Comment ça commence # 7
Le projet d'écriture "Comment ça commence ?" de Agoaye* continue... Enfin ! me diriez-vous.
Excusez-moi d'avoir tenu à vous écrire un épisode génial et d'avoir pris mon temps pour ce faire.
Promis, ça sera plus rapide pour le prochain ;)
Excusez-moi d'avoir tenu à vous écrire un épisode génial et d'avoir pris mon temps pour ce faire.
Promis, ça sera plus rapide pour le prochain ;)
Pour mémoire , vous trouverez les épisodes précédents en cliquant sur le lien correspondant :
─ Ne fais pas ci, ne fais pas ça,
ne mets pas les doigts dans la prise, Rose
! Fais attention à la bôme, ne joue pas avec l'écoute de foc,
remets immédiatement ton gilet de sauvetage !...
Telle était la litanie sans fin des
parents de Rose, une sacrée chipie de quatre ans.
La petite famille était partie pour un
voyage spécial : ils s'étaient embarqués pour la croisière dans
les Caraïbes que le Papy de la fillette avait toujours rêvée en
tournant les pages de la fameuse revue aux bords jaunes. Il
connaissait par cœur les enchaînements des pays et îles
caribéennes à force d'en voir des photoreportages dans le National
Geographic, bien mieux que les routes de sa région natale ! Il
faisait le tour du monde à bord de son rocking-chair, en emmenant
volontiers avec lui sa fille lorsqu'elle était enfant, et plus tard
sa petite fille, et les berçait en décrivant des paysages
merveilleux.
Sa santé déclinant, il ne pouvait
faire lui-même ce voyage pour lequel il avait mis de côté de
belles économies, et avait fait promettre à sa fille de parcourir
en voilier la mer des Caraïbes et de découvrir « en vrai »
les courants tropicaux, les îles et les pays exotiques de cette
région paradisiaque. Il vivrait ce voyage par procuration, la webcam
et l'écran de la tablette remplaçant le papier glacé de sa revue
préférée. Bien entendu, Rose faisait partie des voyageurs et il
anticipait avec bonheur d'entendre ses mots d'enfant pour décrire ce
qu'elle voyait...
Évidemment, la petite fille avait
promis d'être aussi sage qu'à l'ordinaire, mais le nouveau monde
qui s'offrait à elle sur le voilier, avec ces choses étranges à
comprendre et des milliers de petits recoins à explorer, l'amenait à
commettre de nombreuses imprudences. Sa curiosité mettait à bout la
patience de ses parents, mais faisait sourire l'équipage qui
manœuvrait le navire - tant qu'elle ne se glissait pas dans leurs
pattes ! Depuis leur départ le matin même,
elle avait accumulé une bonne quantité de bêtises, uniquement
interrompue au repas et lors de sa sieste, dont elle venait
d'émerger.
A ce moment-là, le voilier tanguait
gentiment sur des eaux cristallines où le soleil miroitait de tous
ses rayons. Dans le lointain, on apercevait encore comme un ruban,
les côtes du Nicaragua, du Honduras, et plus près de larges
étendues de sable blanc affleuraient malgré la marée haute. Des
bancs de poissons colorés nageaient paisiblement autour de la coque,
quelques dauphins sautaient hors de l'eau en jouant près du navire
tandis qu'un couple de tortues imbriquées semblaient les suivre.
Précisément, ces tortues que le
lecteur attentif aura reconnues, s'étaient décidé à suivre le
vaisseau aux voiles gonflées par un vent léger, pour entendre des
conversations humaines : les ordres brefs des marins, les échanges
entre les passagers et... les parents de Rose qui les amusaient
beaucoup.
L'après-midi s'étirait, le soleil
baissait dans le ciel, la petite fille s'habituait à la vie nautique
et se montrait plus sage. Le bateau fit halte, l'ancre fut larguée
dans les vagues qui seraient bientôt colorées en pourpre, or et
vermeil par le couchant. Pendant que certains se préparaient pour le
dîner, l'équipage affalait les voiles pour la nuit et Rose jouait à
imiter la raie manta qu'elle venait de voir, en battant lentement des
bras, un drap de bain jeté sur ses épaules. Tout à son jeu, elle
ne vit pas le cordage enroulé sur le pont, trébucha sans réussir à
se rétablir, et un discret plouf se mêla au doux bruit des vagues
qui se brisaient mollement sur la coque.
Les tortues reçurent un choc sur leur
dos. Quelque chose -quelqu'un- leur était tombé dessus depuis la
poupe du bateau. Leurs regards croisèrent des yeux surpris, un petit
visage très étonné. La chute de Rose à l'eau avait été si
rapide qu'elle n'avait pas eu le temps d'avoir peur, pourtant elle ne
savait pas nager, à peine faire la planche, mais sans brassards ni
gilet de sauvetage, c'était peine perdue...
Ils la virent s’empêtrer dans le
tissu éponge qui s'imbibait d'eau de mer et commençait à la faire
couler. Sans se concerter ni réfléchir, ils plongèrent
immédiatement tous deux pour aider la petite fille : ils passèrent
sous ses bras et la remontèrent à la surface avant de la dégager
de ce drap de bain qui la gênait tant. Elle s'agrippa aux carapaces
avec reconnaissance, réalisant seulement à l'instant le danger
qu'elle venait d'éviter, sans pour autant être totalement sortie
d'affaire. Les tortues faisaient de leur mieux pour lui maintenir la
tête hors de l'eau en attendant les secours qui ne sauraient
tarder... si elle avait la présence d'esprit d'appeler à l'aide !
Un peu choquée et apeurée à l'idée de se faire gronder, Rose ne
se manifestait pas pour qu'on vienne la repêcher. Ce n'est qu'en
entendant ses parents la chercher qu'elle retrouva sa voix et les
guida jusqu'à elle entre deux sanglots.
Quelle ne fut pas leur surprise, ainsi
que celle des personnes qui s'étaient jointes aux recherches, de la
découvrir entre deux tortues marines !
On lui envoya une bouée,
malheureusement trop grande pour elle, et son père se jeta à l'eau
pour mieux la stabiliser. Avant de se réfugier dans les bras
paternels, elle déposa un baiser sur la tête de chaque tortue pour
les remercier de l'avoir sauvée.
Le sauvetage marqua le voyage et tout
particulièrement la famille de Rose. Jamais son grand-père ne se
serait attendu à entendre une histoire aussi impressionnante. Il ne
put s'empêcher d'ajouter son grain de sel à l'anecdote en déclarant
que c'était bien là la magie des Caraïbes !
Nos amis continuèrent à suivre la
croisière quelques jours, et devinrent les mascottes du voyage. Rose
ne passait pas une journée sans leur faire signe et fut très déçue
lorsqu'ils profitèrent d'une escale aux Barbades pour reprendre leur
vie de tortues après ces vacances « humaines ».
Ce voyage extraordinaire fut le premier
jalon de sa vocation, bien qu'elle hésitât longtemps entre devenir
marin, océanographe ou sauveteuse en mer...
A suivre...
* Rappel des consignes : "Vous
avez un mois pour écrire et partager avec nous un billet ou un
article. [...] Une seule contrainte : tous les écrits du mois doivent
commencer par la même amorce de phrase ! Il est interdit de changer le
moindre mot, la moindre virgule, car ils
sont autant d’indices qui vous permettront de tisser ensuite la trame de
votre récit, et permettre au train de votre imagination de se mettre en
marche !" Ici, c'est la phrase écrite en gras au début du texte.
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